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Qui et quoi ?

En 2015, L'Aencrophone propose le concept Tri-Marrant au Théâtre de La Vie qui accepte et devient partenaire du Festival...

Genèse:

"Un enfant de six ans épluche une pomme. Il tire un peu la langue.


Il épluche sa pomme... Et tout autour, sa famille d’une 15aine de personnes, enjouées et un peu envinassées sur les bords, s'immobilisent et font silence.


Tout le monde regarde l'enfant, qui n'entend même pas le silence qu'il vient d'imposer.
La scène est intense, car la concentration de l'enfant est maximale.


Peu importe que la pomme soir bien ou mal épluchée... peu importe, ce sera le meilleur épluchage du monde !! Et c’est qui ça m'intéresse.


J’étais la première bluffée et interloquée par la scène à laquelle j’étais en train d'assister.


Cet enfant vient d'immobiliser tout le monde par sa seule capacité à... à quoi d'ailleurs ?


Et voilà qu'il continue, et fait de sa pomme à la peau entortillée comme un ressort, une cape, un masque, bref un super héros qui vole : la pomme est maintenant un super héros qui vole. Tout le monde le croit, tout le monde le voit, ce super héros, bon le vin aide un peu ? mais voilà un enfant qui rêve et voyage, et qui nous fait rêver et voyager ; et par quelle magie sommes-nous tous interrompus par une pomme épluchée qui vole ? 


Par quelle magie cet enfant nous capture dans son rêvoyage ?

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Il y avait un enfant et il y avait un public. Pas de jeu de lumière, pas d'effet sonores, pas de vidéo, rien qu'une puissante concentration qui émane et qui capture.

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C'est de ce jour que s'est développée en moi l'idée du Tri-Marrant. 


Pas de technique, pas de décor. (Tout ça, ce sera pour moi pour un proche avenir artistique), mais ici première étape : l’humain, l’artiste, seul, en chair et en os.


Et puis, 2ème étape, m’est venue l’envie de multiplier les disciplines, parce je porte toujours mon regard d’enfant quand je vais « au spectacle ». Mais aussi parce qu’en tant qu’adulte, j’aime à prouver que les arts de la scène se complètent ou se mettent en relief, ou sont parfois les mêmes… parler c’est déjà chanter ; marcher, c’est déjà danser.

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Après le 13 novembre 2015, une amie me dit : « avec ce qu'il vient de se passer, il faut faire quelque chose de ce festival... il faut l'ancrer dans l'urgence de faire bouger, de s'engager... » J'entends.


"Oui", je dis... Mais ai-je jamais envisagé l'art autrement que comme outil d'engagement, de culture, d'éveil, de transmission de valeurs ? Cette phrase résonne : "il faut faire quelque chose de ce festival"... je la comprends l'intention qui m'est insufflée, et pourtant... que faut-il faire de plus que le festival lui-même, et développer sa nature propre ? c’est-à-dire, l'aptitude au voyage et au rêve. 


Et puis il y a eu le 22 mars 2016.


Alors oui, peut-être, il faut renforcer le droit au rêve et au voyage.

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Plus tard, début avril, une autre amie me dit : "C'est dingue, on vit dans un monde où on n'a même plus le droit de regarder tranquillement par la fenêtre ! "


Comme je la comprends !!!


Les gens croient qu'on ne fait rien... On ne fait pas rien, on regarde par la fenêtre !! On attend son âme qui traîne un peu en arrière, on rend hommage au Ciel, qu'on laisse patiemment entrer en nous. C'est pas rien, ça, c'est pas rien.


On a besoin de regarder par la fenêtre, comme on a besoin de manger. 


Quand j'étais petite, à 6 ans, sur mon bulletin était écrit : "Excellent travail ! Dommage qu’Aurélie regarde trop souvent par la fenêtre…"


C’est pourtant un défaut que j’ai passé ma vie à cultiver, et de toute évidence, ici encore. 


Le droit à regarder par la fenêtre, comme un engagement puissant.

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Et voilà que je tombe il y a deux semaines sur cette citation : 


« L’époque nous force à dormir tout en nous empêchant de rêver. Il faut redonner sa chance au rêve et à la poésie, c’est-à-dire à de nouvelles formes de la lutte » citation d’Achille Mbembe, philosophe camerounais.

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Voir sans artifice éclore la magie, (re)mettre la chair au centre, (re)trouver l'essence du jouet JEU, faire place à l'artiste, uniquement et singulièrement, mais pleinement et totalement, nu dans le seul vêtement de son art, en communion avec ses condisciples.

Peu importe que la pomme soit bien épluchée, c’est l’épluchage qui m’intéresse.

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Merci au théâtre de la Vie, à toute l'équipe du Tri-Marrant, à vous, spectateurs, et à tous les artistes et exposants du festival de permettre le «rêvoyage» à bord du Tri-Marrant.

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Aurélie Vauthrin-Ledent

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